Clap de fin...

Publié le par 16pattesenvadrouille.over-blog.com

Bonjour à tous,

Nous voici plus que proche de l'issue de notre périple et je prends enfin le temps d'entamer le récit final de notre aventure nordique. Les tentatives précoces n'ont pas aboutit, les mots ne parvenant à émerger des flots d'émotions nous submergeant. Les kilomètres et paysages nous en éloignant nous ont conduits dans un tout autre univers duquel il est complexe de retranscrire avec justesse la magie de nos dernières rencontres. L'instant joignant subtilement fraicheur du souvenir et apaisement des émotions m'a échappé mais je ne parviens à me résoudre à vous dire au revoir brutalement et vais donc essayer d'apporter une dernière fois le support de mes mots aux images d'Hugo.

Notre escapade insulaire achevée, nous regagnons le continent et empruntons la très courue E6, itinéraire fétiche des camping-caristes du Nord suivant le flanc ouest de la Norvège. Bien que peu enclins à nous enthousiasmer de longues traversées bitumineuses, nous ne pouvons que nous incliner face au tracé exceptionnel de cette route qui dresse au fil des kilomètres une présentation quasi exhaustive des reliefs proposés par le pays. Imposants sommets minéraux tutoyant le ciel, masses de granit perforées de tunnels, rondes silhouettes couvertes de forêts, crêtes acérées et cirques glaciaires, plateaux de toundra arctique, torrents impétueux, larges rivières sablonneuses et cascades défiant la gravité, cette route est un voyage à elle seule et probablement la plus belle que nous ayons parcourue à ce jour. Mis en appétit par cet alléchant balcon, nous décidons de quitter l'asphalte pour en explorer le jardin. Nous rejoignons le parc national de Saltfjellet et retrouvons la joie du vagabondage à 24 pattes. Nous nous arrachons à l'épaisse forêt dont les branchages entremêlés composent le socle pour gagner les hauts plateaux la dominant, retrouvant l'ambiance minérale et aride de la regrettée Kilpisjarvi. Un lac aussi long qu'étroit nous y attend, miroir nocturne du soleil de minuit et décors diurne sobre et apaisant de nos randonnées rectilignes suivant un sentier dégagé, vestige de l'ancienne ligne de télégraphe qui reliait le nord au sud. Des roches nues et lisses érodées par les glaciers et parsemées de blocs erratiques s'échappent quelques lagopèdes tandis que des zones plus humides s'envolent chevaliers en couples nous escortant sur un chemin éloignant pieds, pattes et sabots de leur précieuse nichée. Les bivouacs se suivent et chacun nous offre un décors unique, une rivière fraiche et limpide et, nous rattrapant finalement après plusieurs mois de cache cache, la compagnie urticante de nuées de taons et de moustiques… Après quelques jours, nous gagnons une petite vallée et installons notre campement au creux d'un bosquet d'aulnes et de bouleaux nains apportant quelque fraicheur. Intrigués par la présence soutenue d'un couple de buses pattues planant alentour, Hugo examine avec attention la paroi rocheuse surplombant notre logis et découvre avec émotion un nid abritant 3 petits s'égosillant à chaque survol parental. Attentif à ne pas perturber la couvée, ce voisinage inattendu nous régalera de longues observations de séances de béquées. L'appétit photographique d'Hugo éveillé, il s'essayera le soir venu à une sortie à la recherche de renards arctiques mais les nuées de moustiques couvrant son corps tout entier en quelques minutes d'immobilité le poussent à une rapide retraite à l'abris de la tente… Nous saluons les buses et poursuivons notre chemin à la découverte de cet écrin de nature préservée. Chaque évolution du dénivelé révèle un nouveau décors et nous changeons d'univers plusieurs fois au cours de la même journée. Canyons étroits défiant l'agilité de nos zouzous et l'équilibres de leurs cavaliers, sauts et traversées de rivières tortueuses, plateaux venteux, marais tourbeux et plaines herbeuses s'enchainent pour le ravissement des yeux, seulement assombris par la présence constante des taons et moustiques. La nuit, le tipi nous permet de leur échapper mais malgré les protections pulvérisés, les zouzous subissent leur appétit vorace sans répit possible. Nous comprenons ici pourquoi humains et animaux désertent ces contrées au plus fort de l'été et il nous semble lire le soulagement dans les regards de nos compagnons lorsque nous nous décidons enfin à mettre un terme à cette étape de notre périple.

Si les découvertes du voyages sont un constant enchantement, la fatigue physique s'insinue et Pierrot évoque le désir de revoir ses amis. L'idée du retour se fraye doucement un chemin et décision est prise de mettre cap au sud. Nous rejoignons l'E6 et ses panoramas de brochure touristique et passons le cercle polaire avec la nostalgie d'arriver bientôt au terme de notre voyage. Si la vie de ces derniers mois a imprimé au fond de chacun d'entre nous la trace indélébile d'une nature extraordinairement belle, sauvage et généreuse, nourrissant nos esprits de richesses inestimables, ses rigueurs climatiques et la logistique complexe de nos déplacements ont éprouvé nos corps et il nous semble désormais que l'épuisement ne nous permet plus de jouir de ces trésors à leur juste valeur. Néanmoins, une dernière destination nous obsède. Dovrefjell… Fantasmé depuis les longs mois de notre retraite hivernale, le Dovrefjell nous attend. Arpenté en tous sens au fil des documentaires naturalistes, aucun des 4 humains de la troupe ne souhaite renoncer à sa découverte et à la confrontation de nos espoirs à la réalité. Dovrefjell…. Ce mot résonne à nos sens comme l'avait fait la Taiga. Notre nomadisme nordique aura débuté avec la seconde et s'achèvera ici, avec le premier. Dovrefjell… Nous arrachons le voile d'angoisse de nous exposer à une déception et nous y engouffrons. L'émotion écrase nos gorges alors que nous chargeons les zouzous et, enfin, y pénétrons. Je peine à trouver les mots, comment traduire un tel amour immédiat pour un paysage, une ambiance, un univers ? Je comptais sur la "Montbéliarde triple 9° made in Jura" qu'Hugo vient de me servir pour m'aider mais j'ignore si cela sera suffisant. Envoutante vie symbiotique de la Taiga, envoutants paysages de minéraux entremêlés de lichens vert amande du Dovrefjell… La vie s'étale dans la première, elle se devine dans le second puis se ressent, jusqu'à ce que soudainement, elle éclate dans une rencontre. Apparition tant espérée qui jailli devant vous, fantastique masse surgie du fond des âges, vestige de l'ère glaciaire où mammouths et tigres à dents de sabre composaient son voisinage, abrité du monde et de ses turpitudes par son épaisse toison laineuse, paisible autant que puissant et nous contemplant tandis que nous le contemplons, un bœuf musqué. Trésor du Dovrefjell, il y vit libre depuis sa réintroduction vers 1950 et ce havre est l'un des rares au monde où il est possible de l'observer, avec les étendues sauvages d'Alaska et de Sibérie. La rencontre est à la hauteur de nos attentes et nous nous empressons de monter le bivouac pour une approche en douceur, attentif à tout signe de mécontentement de l'animal. Il s'agit d'un mâle, à priori peu dérangé par notre compagnie et qui s'étend paisiblement pour la sieste. Pierrot, Balthazar et moi restons à bonne distance et nous partageons les jumelles tandis qu'Hugo s'approche avec prudence pour saisir quelques clichés. Le lendemain, nous pénétrons plus profondément dans le parc et nous fondons avec délice dans ce paysage riche autant qu'épuré. La lumière met en scène le décors et en révèle les nuances, roches et mousses tapissant le flanc des montagnes dominés par le glacier de Snohetta. D'inattendues plages de galets et de sables apparaissent au détour de crêtes et ajoutent, si cela est nécessaire, à la magie du lieu. Au loin, Hugo discerne soudain plusieurs formes à proximité du sentier et  notre progression nous conduit à un groupe familial de bœufs composé de 2 femelles accompagnées de leur petit et 2 individus plus jeunes que nous supposons être les veaux de l'an passé. Nouvelle rencontre émue accélérant les battements du cœur et profonde reconnaissance envers la générosité de la nature à notre égard. Nous dénichons un écrin de verdure pour les zouzous au bord du torrent et décidons d'installer un camp de base pour quelques jours afin que chacun soit libre d'explorer au gré de ses envies et, malgré la fatigue, nous nous sentons emplis d'une énergie intense et du sentiment d'appartenir au lieu qui nous entoure. De notre havre paisible, nous passerons plusieurs jours à profiter de la compagnie de nos placides voisins qui semblent tolérer notre présence autant que nous nous régalons de la leur. Le soir, je reste au campement les yeux rivés aux jumelles, ne parvenant à abandonner ce spectacle au profit d'un sommeil pourtant nécessaire et Hugo s'équipe de ses objectifs pour s'approcher de l'intimité de cette paisible famille. Les observant à loisir, il ne veut se contenter des clichés offerts et le relief environnant l'inspirant, il appelle de ses vœux leur déplacement vers le décors qui imprimera sur l'écran l'image déjà présente sur la pellicule de son esprit. Les minutes, les heures passent, puis, enfin, la magie opère et les bœufs comblent ses espérances. La crête, leur ombre s'en détachant sur le ciel profond de la nuit tombante. Le récit qu'il m'en fit, la voix tremblante, traduit l'un de ces instants où il vous semble que votre bonheur ne pourrait être plus profond et c'est l'un de ses instants qu'il a vécu. Envahi  par ce pénétrant sentiment de plénitude, il contemplait, serein, heureux, n'attendant rien de plus lorsque comme un mirage, elle surgit. Fine silhouette aux oreilles pointues, ultime récompense des dizaines d'heures à déchiffrer la nature, apparaissant alors que l'on ne l'attendait plus… Nouvelle journée avec les bœufs musqués et nouvelle nuit, à la jumelle pour moi, à l'objectif pour lui à partager l'intimité d'une famille. Les voilà, ces renards arctiques, les voilà, autour de leur terrier, apportant leur proies à leurs petits. Et comment exprimer l'intensité de ce spectacle, il nous semble alors que rien d'autre au monde n'existe que nous et eux… 8 renardeaux pointant le museau et dressant les oreilles pour chatouiller la Lune, cabriolant et courant en tout sens, conscients de notre présence et la tolérant, sentant, peut être, le respect que nous leur portons. 

Sur le chemin nous ramenant à notre pick up et au monde extérieur, nous nous imprégnons de chaque instant, saturant nos sens des merveilles offertes. Nous marchons en silence, sachant la fin proche, méditant sur ce long voyage entrepris et qui nous a apporté bien plus que nous aurions pu l'espérer. Du fil de mes réflexions émerge soudain une étrange analogie. Ce voyage m'apparait comme la venue au monde d'un enfant. Tout comme la naissance de mes 2 petits bonshommes, présents à mes côtés, ce vagabondage pédestre constitue un acte aussi banal qu'extraordinaire, qui me pousse à puiser au plus profond de moi même à la recherche de ressources que j'ignorais même posséder et qui aboutit à un bonheur suprême, si intense qu'il vous semble qu'il vous sera impossible de le contenir. Tout comme j'ai été à 2 reprises, submergée par un sentiment de bonheur et de reconnaissance en serrant contre moi mon nouveau né, me voici soudain lâchant la longe de mon âne, écrasée de joie, à genou sur ce sol qui m'a tant offert en accueillant mes pas, pleurant, pleurant et riant à chaudes larmes, débordée par l'accumulation des émotions extrêmes recueillies au cours de cette dernière année. 

Le voyage est achevé. Reste à accomplir le retour, reste à trouver de nouvelles marques, de nouveaux repères, de nouvelles aventures à vivre et à partager. Reste à ne pas s'enfermer dans la nostalgie des souvenirs mais en faire une force pour nous aider à avancer encore, une richesse pour affronter les difficultés à venir, une énergie pour vivre, aimer et partager.

Merci pour votre compagnie tout au long de cette aventure…

On vous aime et on vous lèche la truffe, hi han, les 24 pattes.

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A
J’aime beaucoup votre blog. Un plaisir de venir flâner sur vos pages. Une belle découverte et un blog très intéressant. Je reviendrai m’y poser. N’hésitez pas à visiter mon univers (lien sur pseudo) A bientôt.
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P
Une petite larme d'émotion en lisant ce texte magnifique. (comme les autres) Avec les textes et les photos un bon éditeur devrait pouvoir faire un livre super. Bon retour. On vous aime.<br /> <br /> Les sudistes.
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C
Bon retour... j'ai confiance en vous pour ne pas vous endormir... j'ai confiance en vous pour vous readapter, bondir et rebondir. Merci pour ces beux mots. Merci pour ces belles images. Merci pour nous avoir emmené avec vous. <br /> Les photos sont encore magnifiques, mais je les apprecie encore plus en me disant que vous etes deja fin septembre... ca me va mieux que debut aout!! <br /> Rentrez bien, et a tres bientot les loulous!<br /> Des gros bisous des manouches
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T
Bon retour et merci de nous avoir fait partager ce beau voyage eet les belles photos ...gros bisous à vous <br /> Les TALS
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A
magnifique ....
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