Lâcher prise

Publié le par 16pattesenvadrouille.over-blog.com

Les femmes et les hommes semblent vivre dans 2 mondes parallèles. Si les petits garçons jouent au ballon dehors, les petites filles restent à l’intérieur avec les mamans. En accompagnant Maryam faire le pain, Charlotte et moi vivons de précieux moments de grande proximité avec elle, confidences, un monde à part où le fait d’être femme nous lie immédiatement. Les enfants sont immensément aimés et câlinés. C’est difficile pour Balthazar pour qui le contact physique est complexe à accepter, sauf avec Hugo et moi. Nous lui expliquons et il fait de son mieux pour nous pas rejeter baisers et caresses, un sacré défit. Nous quittons les copains et la maison de Lhucein pendant que les femmes débutent le tissage d’un tapis. J’ai la gorge serrée au moment des aux revoirs. Nous prévoyons d’emprunter l’ancienne route, abandonnée, pour rejoindre à pieds Errachidia en 3 jours, peut être 4. Nous emportons le plus d’eau possible car nous traverserons un plateau désertique de roche sur lequel nous n’en trouverons pas. Nous suivons l’oued qui coule dans le fond de la vallée. C’est si étrange, en quelques pas, nous passons de l’aridité la plus totale où vent et soleil dessèche la peau à la fraîcheur des palmeraies sous lesquelles les hommes sarclent à la main les petites parcelles irriguées tour à tour par les ségas qui permettent à l’eau de circuler. Les ânes sont omniprésents, ils transportent hommes et matériel et sont parfois attelés à des charrues. Nous effectuons de nombreux zigzags dans ce dédale et n’avançons pas bien vite. 2 femmes rentrent de leur récolte d’olives, une jeune fille, Ikram, accompagnée de sa mère. Elles nous invitent à boire le thé chez elle. Nous luttons contre nos réflexes « quel détour cela va t il nous faire faire », « nous n’avançons pas suffisamment »… Puis, nous échangeons un regard Hugo et moi qui nous ramène là où nous sommes, dans cette expérience de vie que nous souhaitons et acceptons avec un large sourire. Pas si simple, le lâcher prise… Si détour il y a en effet, ce sera le détour vers un échange, un partage, quelques mots, quelques photos. Le thé, le pain trempé dans l’huile, les portions de vaches qui rit. Un détour certes, vers un moment de vie et non de course en avant. Pierrot, une fois de plus, se fond dans le décors comme un caméléon.  Parfaitement à l’aise, ses yeux brillent et en quelques regards et 3 gestes, il se fait parfaitement comprendre. Nous avons beau le savoir, nous en sommes toujours stupéfaits. Nous reprenons la route, la pause nous a fait grand bien et j’ai oublié le poids du sac sur mes épaules. Nous gagnons l’ancienne route et avançons. Nous expliquons aux enfants qu’il va falloir rationner l’eau, que ce sera peut être difficile. Hugo même doute. Nous n’avons pas de carte, donc pas vraiment de certitudes sur la distance à parcourir. Où se situe la limite entre la prise de risque acceptable et la mise en danger de nos enfants ? Si les 3 jours maximum deviennent 4, la difficulté pour l’eau sera réelle. Nous hésitons. Le soleil décline et Pierrot se met à pleurer. Il a mal aux pieds. Nous nous arrêtons pour les examiner, 2 ampoules se sont formées sur ses plantes de pieds à la base des orteils. L’une des 2 n’est vraiment pas belle et il sera difficile de fixer des compeed à cet endroit, voilà qui met fin au débat. Nous allons chercher à monter le camp et demain, emprunterons un sentier qui nos ramènera à la route principale où nous poursuivrons en stop. Nous nous rapprochons d’un vieux village près de l’oued où semblent vivre quelque familles. Nous apercevons une femme qui nous dit que nous pouvons dormir là. Nous terminons de monter le campement et nous apprêtons à démarrer la popote lorsque son mari vient. « Thé maison ? » Débat interne « je veux manger et me coucher »/« je suis en voyage pour découvrir et j’ai tout mon temps ». Nous partons boire le thé, la popote attendra. Les poules qui courraient tout a l’heure sont couchées, nous sommes invités à entrer dans le salon. 4 murs, un plafond, des tapis en U dans le creux duquel une table, pour le thé. Une ampoule au plafond. Le dénuement est total et pourtant, de l’autre côté de la pièce trône une antique télé 36 cm que l’homme d’empresse d’allumer au plus grand bonheur de Pierrot et Balthazar totalement absorbés par les dessins animés en arabe. Thé, pain trempé dans l’huile ou le miel, gaufrette à la vanille. Rituel. Cette soirée éclairera bien des questions que nous nous sommes posées au cours de la journée. « Quelle est cette plante observée sur plusieurs parcelles ? »  «  que peuvent bien butiner les abeilles des nombreuses ruches aperçues sur les contreforts de la route ? L’homme, sa mère, sa femme et sa fille vivent ici. Il nous explique qu’il est berbère. Ils ont des poules, dont 2 qui couvent, des pigeons, des dindons et des lapins. Il a quelques parcelles et des ruches. C’est son miel qu’il nous sert. Sur ses parcelles, il cultive du safran. Lorsqu’il récolte les fleurs, il les apporte près des ruches et les abeilles s’en délectent. Les énigmes de la journée se trouvent résolues par une tasse de thé. Nous regagnons nos tentes avec la plus grande difficulté, la grand mère tenant absolument à nous héberger pour la nuit. Mais le campement est installé et même si nous nous sentons tout à fait en sécurité, nous ne souhaitons pas laisser toutes nos affaires loin de nous pour la nuit. Hugo relance la popote. Nous discutons, les enfants jouent, ensemble, paisiblement et sans se chamailler… Avoir peu offre l’essentiel. Un bol de riz au cumin devient un festin de roi, 3 pierres, quelques feuilles et brindilles deviennent un univers qui recrée les liens entre 2 frères. Je me réjouis d’être ici, avec ma famille et je me réjouis de le partager avec vous.

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E
coucou à tous les 4, super récit, passionnant, gros bisous à tous les 4
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