Désert…

Publié le par 16pattesenvadrouille.over-blog.com

Le désert, comment aborder cette expérience… Je reste au campement, Pierrot et Agathe jouent sous la tente et Mbarack, du haut de la dune, observe le reste de l’équipage qui s’éloigne après avoir écouté ses recommandations. Tout comme la montagne, le désert s’aborde avec l’humilité de l’ignorance. Mbarack, lui, en a la connaissance et il la partage à ceux qui en font la demande. 

Le silence s’est déposé comme un voile léger et des nuées de petits oiseaux se régalent des miettes éparpillées de notre repas. Ils s’approchent tout près et j’observe leur farandole. Je les nomme moineaux du désert, plumage fauve dégradé, ventre couleur crème, délicat bec gris et fines plumes noires bordant les ailes et la queue. D’autres s’apparentent à des mésanges, robe sableuse et trait de maquillage noir prolongeant l’œil et soulignant le poitrail. Maître corbeau s’annonce, son kraaa rebondissant sur les dunes et le petit peuple s’éparpille aux quatre vents. 

Nous sommes partis du campement de Mhamid il y a deux jours. Auré, Charlotte et nous avions le souhait de vivre ensemble cette initiation et Yelel, Sylvia et Ayla se sont finalement joints à nous. Nous voici 11 dont cinq enfants, accompagnés de Mbarack, notre guide, et Hamed et Hassan, les chameliers. Les affaires sont réparties sur les six dromadaires et les enfants, juchés sur quatre d’entre eux se laissent bercer par leur démarche chaloupée. La marche s’engage sous un soleil déjà ardent et les chèches couvrant tête, cou et épaules sont bien plus que des accessoires pour nous en protéger. Seuls les yeux apparaissent et le regard en devient plus profond. Sous leur air nonchalant, perchés sur leurs longues et fines pattes, les dromadaires imposent un rythme de progression rapide. Mon corps, surpris d’abord, se réjouit tandis que les foulées s’allongent. 

J’observe leur mouvement, la délicatesse affirmée de leurs pas, les larges pieds s’imprimant sur le sol poussiéreux de la piste avec souplesse et précision. Leurs yeux ronds, surmontés de longs cils et d’orbites proéminentes semblent nous sonder : « qui êtes-vous étrangers, qu’êtes-vous donc venu chercher ici ? »J’y plonge mon regard et s’y révèle les âges immémoriaux que leur espèce a traversés. « Il n’y a pas de temps dans le désert » nous a t-on dit et la méditation de la marche dans laquelle mon corps et mon esprit s’installent déploie l’étendue de cette vérité. 

Au cours de la marche, Hassan aux yeux rieurs chante souvent de sa voie limpide. J’aime la poésie de cette langue que je ne comprends pas mais qui touche mon âme. Nous progressons, Mbarack concède quelques courtes pauses pendant lesquelles il régule hydratation et encas pour ne pas encombrer nos corps. Peu à peu, d’aléatoires tas de sable encadrent les buissons et la rocaille du chemin. Les tamaris fixent les grains légers et de petites dunes apparaissent. Le relief se dessine et les vaguelettes formées par le vent colorent les dunes de nuances chaudes et dorées. 

Mbarack décide d’installer le campement. Les dromadaires se couchent et nous les libérons de leur charge. Leurs pattes antérieures sont entravées afin qu’ils ne s’éloignent pas trop. Une tente est montée pour la cuisine et le couchage des chameliers, une autre pour nous. Chacun profite de la chaleur douce de la fin de journée. Photo,  jeux, contemplation, récolte de bois pour le feu qui ne tarde pas à crépiter. Hamed et Hassan préparent le tajine qui mijote bientôt sur les braises aux côtés de la bouilloire offrant l’eau chaude pour le partage du thé. La clarté s’estompe avec le coucher du soleil, le feu et les étoiles nous éclairent et cela suffit. Mbarack nous conte quelques histoires puis nos compagnons chantent, s’accompagnant d’un bidon et d’une marmite en guise de percussions. Les enfants, Sylvia et Charlotte rejoignent la tente, le reste de l’équipe dormira à la belle étoile. Le fin croissant lunaire a la délicatesse de se coucher tôt, nous laissant à la seule lumière de la voûte céleste. Ces nuits sous les étoiles du désert m’imprègnent d’une paisible et profonde énergie, le fracas du monde et la course du temps n’existent plus. « Tu peux acheter une montre, mais pas le temps »… 

Nous reprenons notre route le lendemain, guidés par la haute dune à l’horizon. Ces petites sœurs nous accueillent et nous traversons les langues de sable par lesquelles elles se donnent la main. Enfin, Mbarack choisit un emplacement qui lui convient et le campement s’installe dans un petit cirque encadré de dunes. Nous y passerons deux autres soirées avant de regagner Mhamid. 

Les liens se tissent avec Mbarack, Hassan et Hamed. La réserve du premier soir disparaît et nous échangeons beaucoup avec eux. Les soirées s’animent de chants, de rires et de joie. Ils sont surpris mais heureux de notre soif de partage et nous expliquent qu’elle est peu commune. La plupart du temps nous disent-ils, les touristes marchent de leur côté et ils ne tiennent pas à voir les dromadaires, encore moins ceux qui les conduisent. La présence des enfants aura faciliter cet échange sans lequel l’immersion dans le désert aurait perdu de sa substance. 

Je pensais le désert comme une expérience qu’il aurait été dommage de ne pas vivre et je l’avoue, j’y ai découvert une profonde plénitude. Le désert m’a ouvert ses bras et je m’y suis lovée avec un abandon total et confiant, le laissant pénétrer mon cœur et lui en offrant un morceau en signe de gratitude. Sa beauté mouvante, sa sauvagerie douce, ses couleurs changeantes, la douceur et la chaleur des grains de sable dans lesquels mes pieds nus s’enfoncent. Milieu terrible et fragile dont mes sens se sont abreuvés afin d’en fixer le souvenir dans mon âme et dans mon corps. 

Au désert et aux hommes qui le vivent, merci.

Désert…
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E
coucou à tous, <br /> un récit magnifique, fluide qui se lit avec un grand plaisir. et les photos vraiment belles, telles que je les aime<br /> gros bisous à tous
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M
Magnifique,tu me fais rêver par tes splendides photos et tes écrits ! Merci de ces cadeaux !
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