Les petits cailloux

Publié le par 16pattesenvadrouille.over-blog.com

Nous sommes dans le bus qui nous mène vers l’océan, Asaf Avidan dans les oreilles. L’émotion transmise par sa musique me touche et m’aide par quelques larmes à évacuer le trop plein. Trop plein d’émerveillement, de contrastes, de dépaysement, de rencontres. D’instants suspendus par un salut, un sourire, une coccinelle sur un brin d’herbe, le kaléidoscope des couleurs sur la montagne, le lointain chant du Muezzin ou la mélodie d’un brin de ruisseau dans le lit de l’oued qu’on pensait asséché. 

Au dessus de ma tête, les numéros de places, dont personne ne tient compte sont indiqués sur des autocollants bariolés semblables à des tickets de loterie. Les villages traversés sont semblables les uns aux autres. En périphérie, un terrain plus ou moins plat et rectangulaire qu’une cage à chaque extrémité permet d’identifier comme un terrain de foot. Des constructions en parpaing plus ou moins abouties jouxtent les habitations plus anciennes en pisé, des murs colorés encadrent l’école et selon la taille, une ou plusieurs échoppes dans lequelles chaque cm de mur est chargé d’une étagère où s’alignent des paquets éclectiques. A son voisinage, le primeur, proposant aussi des épices. Dans le café, les hommes boivent le thé et grignotent un morceaux, les chats, assis près des tables attendent leur dû. Pour les chiens, plus maigre est la pitance, côtes saillantes, mamelles pendantes,  cette jeune chienne fouille une poubelle éventrée, son chiot blotti contre une muraille de bouteilles de gaz un peu plus loin. Il s’éveille de sa sieste, se lève, baille, s’étire et joue avec une étiquette de coca que la brise a poussée entre ses pattes. Faut il lui souhaiter d’atteindre l’âge adulte ? Au Maroc, mieux vaut naître chat plutôt que chien. Dans les bourgades plus conséquentes, le commerce se spécialise. L’étal carrelé du boucher qui scie à la demande un morceau sur la carcasse pendue à un crochet. Une quincaillerie, offrant aussi un large choix de bassines en plastique, un pharmacien, un

mécanicien et quelques gargotes. Le jour du souk, les minibus colorés, chargés de moutons, de clémentines ou de toute sorte de bric à brac s’alignent entre les rangées de charrettes à bras ou tractées par un âne. Leur contenu est exposé au sol, sur des tapis. Dans les villes, enfin, tout est disponible, ce dont on a besoin comme ce dont on a pas besoin. Les boutiques se regroupent par secteur, proposant peu ou prou les mêmes articles. Peut être cette organisation est elle héritée des souks, au sein desquels les corps de métiers s’organisent en quartiers. 

Taliouine appartient aux villages de taille modeste et nous y avons fait une halte impromptue, attirés par les strates ondulantes des montagnes lui servent d’écrin. Après une nuit au camping, nous avons enfilé nos sacs à dos et sommes partis à leur découverte 2 jours durant, petite boucle ressourçante. Nous progressons sur un chemin rocailleux sur lequel un peintre aurait égaré sa palette. Tâches de gouache  grise, bleue et turquoise, corail, rose et violette se juxtaposent et se mêlent au sein des mêmes roches. Elles forment des strates, des spirales et des vagues et la magie de leurs dessins nous fait oublier le poids de nos sacs. Difficile de ne pas s’arrêter pour saisir une pierre a chaque pas, la détailler, s’extasier de ses formes et de ses nuances, des fins cristaux brillants sur la surface sombre qui se cache en leur cœur éclaté. Pierre après pierre, pas après pas, nous progressons sur le chemin à flanc de montagne qui nous mène sur un sentier traversant un plateau. Les petits cailloux colorés restent derrière nous tandis que se déroule le tapis rouge et ocre, rocaille saillante au milieu duquel se dessine le sentier probablement usé par les pas de générations de bergers. Nous traversons de petits canyons qui ont du, il y a longtemps, connaître l’eau et à chacun d’entre eux, Pierrot nous met en garde contre une embuscade des Indiens ou la charge de la cavalerie. Mais il semble que la piste empruntée nous préserve aujourd’hui de ces nombreux périls si présents dans son imaginaire d’enfant. Dans cette étendue rouge où s’égarent quelques buissons épineux, une tache verte se distingue et attire nos pas. Il s’agit d’un petit arbre, phare de verdure régnant sur un joli replat. Le lieu est charmant, nous y installons notre bivouac. Pierrot s’improvise un étal de vente de sa récolte minérale tandis que Balthazar et moi ramassons les branchettes séchées des buissons alentour pour égayer la soirée de la compagnie d’un feu. Hugo arpente la colline voisine, capturant dans son objectif la magie des couleurs environnantes. L’ombre projetée des nuages danse sur les montagnes et les strates semblent ondoyer lentement. Que la terre a dû être agitée par ici pour aboutir à un tel sandwich géologique ! Le soleil déclinant amplifie les teintes chaudes et compense la fraîcheur apportée par le vent qui s’éveille. Le lendemain, nous laissons derrière nous le petit plateau écarlate et choisissons d’effectuer une boucle pour rejoindre Taliouine par l’oued. Nous pensions celui ci asséché et sommes ravis autant que surpris de découvrir un fin ruisseau, perdu dans ce lit bien trop large pour lui. Il se fraie un chemin et son murmure délicat enchante nos oreilles. Depuis combien de temps n’avions nous plus entendu courir un ruisseau ? Sur la berge, il alimente les sega, ces petits canaux d’irrigation et l’intensité du vert de l’herbe qui y pousse nous donne envie de la grignoter. Nous marchons sur un tapis de fleurs d’amandiers et d’arganiers séchées  à travers la palmeraie de poche qui survit grâce à ce mince filet d’eau. 

Bien des palmeraies se meurent, conséquence des 3 derniers années de sécheresse particulièrement intenses mais également, dans certains lieux, des aménagements et choix agricoles décidés en haut lieu. La vallée du Drâa disparaît ainsi peu à peu, résultant de l’addition d’un barrage créé en amont afin d’irriguer un golf construit aux environ de Ouarzazate et de l’implantation de plantations de pastèques appartenant à de riches investisseurs et destinées à l’exportation pour lesquelles des bassines géantes captent ce que le golf a laissé. Plus bas, à Zagora et au delà, plus d’eau, plus de palmiers dattiers, plus de segas alimentées et ainsi, plus de cultures vivrières pour les gens qui vivent là. A Mhamid, Mohamed nous en avait déjà parlé, là où avant, poussaient les palmiers, le sable a désormais tout envahit. Leurs racines, plongeant jusque 8 mètres de profondeur ne parviennent plus à capter d’eau et le puit qu’il a creusé pour tenter de préserver ceux qui restent atteint désormais 18 mètres… Voilà pourquoi nous sommes si heureux lorsque la verdure des palmeraies perdure quelque peu ici et là… 

Déjà, nous voici de retour à Taliouine pour la quitter aussitôt, le bus convoité pour nous rendre sur la côte arrivant peu après. Un petit passage sur la côte avant de songer au retour, bientôt, mais pas encore tout à fait…

Aux cailloux colorés et au murmure frais du petit ruisseau, merci. 

Les petits cailloux
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M
merci Cindy pour ces magnifiques photos vous voyez le Maroc tel qu'il doit être vu pas comme on le voit lorsqu'on "visite"
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E
magnifique et une écriture, un régal à lire, le temps passe vite je vois, vous parlez de retour, que de souvenirs .... les photos d'Hugo sont vraiment très belles, gros bisous à tous les4
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L
Merciiiii pour ce voyage littéraire et ces photos poétiques !Cela donne trop envie de retourner dans ce beau pays !Hâte de voir les photos d'Hugo et vous retrouver tous pour plus de détails encore!!En attendant profitez un max!Bises 💋(R A S à Pussy,tout va bien!!)
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V
Voyage féerique !!
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T
Pas encore lu mais rien que tes photos magnifiques nous font envie merci 🥰🥰🥰🥰
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